Sur la route qui doit nous mener à Dalat, il n'y a pas énormément de localités. Nous pensons donc devoir camper une ou deux fois. Pour ce faire, nous avons besoin d'une bonbonne de gaz, histoire d'alimenter notre réchaud fraîchement acheté à Ho-Chi-Minh-Ville. Aucun problème à trouver toute sorte de réchaud, mais le gaz c'est une autre paire de manche! Et personne ne semble disposé à nous aiguiller dans notre quête. Alors que nous pensions gentiment à abandonner nos recherches, c'est finalement par hasard que nous trouverons notre précieux au détour d'un carrefour de la banlieue de l'ancienne Saïgon! Le cœur léger, nous repartons tambour battants.

Les paysages vallonnés nous rappellent que nous nous dirigeons désormais vers une région montagneuse. Forêts denses et verdoyantes, de nombreuses cultures et points d'eau défilent sous nos yeux. À presque 100km de notre point de départ, la luminosité déclinant peu à peu, nous nous mettons à la recherche du lieu pour planter nos tentes. Depuis une dizaine de kilomètres, des plantations d'on ne sait quels arbres (apparemment cultivés pour leur sève) nous font de l'œil. Munis de quelques litres d'eau trouvés au "boui-boui" du coin, nous nous enfilons dans ladite forêt et installons rapidement notre campement. Le traditionnel riz au curry vert du vendredi sera au menu du soir! Nous qui pensions être au calme, quelle ne fut pas notre surprise d'avoir deux ou trois visites nocturnes! En effet, des locaux en scooters viendront s'enquérir de la situation, alertés par notre présence lumineuse (lampes frontales ou visages rougis par le soleil...). Moitié inquiets, moitié intrigués, ils ne veulent finalement que nous mettre en garde contre le danger d'incendie en raison de la présence du tapis de feuilles mortes jonchant le sol. 

Après une nuit très chaude, il est l'heure de reprendre la route. Nous traversons de petits villages où nous sommes vraiment surpris par la présence nombreuse d'églises catholiques, vestiges de l'empire colonial français. Il s'agit bien souvent du plus bel édifice du village.Nous avons pour but la localité de Bao Loc, or nous ne connaissons pas exactement le profil de notre étape. Une belle montée de quelques centaines de mètres de dénivelé se dresse en juge de paix sur la partie finale. Épuisés, mais affamés, nous nous aventurons vers un "restaurant de rue". Il s'agit en fait d'une cuisine ambulante posée à même le trottoir, entourée de chaises et de tables en plastique au format "dînette" de notre enfance... Les menus y sont très riches, mais pas traduits et rarement illustrés. La serveuse ne pipant mot d'anglais, nous commandons au petit bonheur la chance, avec les conseils d'un voisin de table voulant bien faire. Patchi et Sachie seront plutôt bien lotis avec leur charbonnade locale, Kake recevra des os et un peu de gras, alors que Patate en découdra avec d'énormes crapauds grillés! N'étant pas tout à fait rassasiés, Patate pointe du doigt ce qui semble être des nouilles sur le menu. Résultat: trois plateaux, un caquelon, et c'est parti pour une fondue chinoise! 

Le lendemain, perchée sur un plateau à 800 mètres d'altitude, la route suit maintenant les arêtes des monts, traversant ça et là des villages peuplés de montagnards. Ne voulant pas trop perdre de temps à ripailler à midi, nous décidons de rentabiliser notre réchaud en nous concoctant de succulents spaghettis au curry panang et au thon à l'ombre d'un peuplier. Le soir venu, nous atteignons Lien Nghia, cité sise au pied de l'imposante ascension vers Dalat. Nouveau souper surprise; cette fois-ci Patate sera le grand gagnant avec de nombreux fruits de mer, mais les autres s'en tirent pas si mal. Mais comme souvent, les quantités proposées ne sont pas à même de combler l'appétit gargantuesque de cyclistes dépensant de nombreuses calories.

Le jour levé, nous nous dirigeons vers les "elephants waterfall" situées sur la route vers Dalat, au détour d'un petit village. N'imaginez pas un site touristique comme on en connaît chez nous; le lieu est à peine indiqué et la sécurité sur le site est minimale. Cela dit, le personnel accueillant et l'impressionnante cascade en font un lieu de passage obligé. D'autant plus qu'une petite faille dans la roche permet au visiteur curieux et aventureux de se rapprocher au plus près de la chute d'eau par le flanc: douche rafraîchissante garantie! Nos jambes avaient bien besoin de ce petit électrochoc afin d'avaler les 700 mètres de dénivelé positif nous séparant de Dalat. C'est lors de cette montée que nous franchirons le cap symbolique des 1000 kilomètres parcourus sur notre vélo depuis Bangkok. 

Des hectares de serres nous accueillent en périphérie de Dalat, ville installée dans une cuvette entourée de montagnes, lui conférant un micro-climat privilégié permettant la culture de nombreux fruits et légumes. C'est également en raison de la douceur de ses températures que les colons français en faisaient un lieu pour se ressourcer. L'héritage de ces derniers (chalets savoyards, maisons basques, petit lac romantique, réplique miniature de la Tour Eiffel, téléphérique, etc...) y est encore bien perceptible. Débarquant en ville en milieu d'après-midi, nous avons du temps pour visiter la cité et apprécier une deuxième chute d'eau. Malheureusement, ce dernier projet tombe à l'eau, le site fermant ses portes avant 16h, comme la plupart des sites touristiques de la région. Qu'à cela ne tienne, nous nous en remettrons en visitant la fameuse "Crazy House" qui mérite amplement son nom. Son architecture renversante nous impressionne, mélange de Gaudi et de Dali sur fond de surréalisme. Mélangez Alice aux pays des merveilles, Hansel et Gretel, les Schtroumpfs et Charlie et la Chocolaterie et vous obtenez ce qui est sorti de l'esprit de l'architecte. Nous voilà déambulant sur des ponts suspendus en formes de branches reliant les différentes bâtisses, abritant elles-même de nombreuses chambres de Hobbits dans lesquelles il est possible de passer la nuit! Vertige garanti, comme ce qui nous attend pour la descente du lendemain sur Nha Trang...